Avis de l'Autorité environnementale
L’Autorité environnementale retoque le SRADDET(*) de la Région Hauts de France.
Passée inaperçue au creux de l’été la session du 24 juillet 2019 pourrait faire date dans la manière dont nos politiques traitent les questions environnementales.
Pour mémoire, l’Autorité environnementale (Ae) a été créée voilà dix ans en 2009, conformément au droit européen. Sans que le grand public ne suive de près ses travaux, elle s'acquitte avec assiduité et efficacité des missions dont elle a la charge, à savoir l’émission d’avis sur l’évaluation environnementale des plans et programmes, dont récemment les SRADDET. Ces nouveaux documents de planification régionale doivent être élaborés par chaque Conseil Régional avant fin 2020. Ils définissent comment la région prend en compte les sujets environnementaux structurants : climat, énergie, biodiversité, déchets, transports et infrastructures.
Auparavant les avis étaient donnés par les préfets. C’est désormais à l’Ae, autorité indépendante, que cela incombe. Et d’indépendance l’Ae vient d’en faire montre en mettant carrément en pièces le Schéma de la Région Hauts de France.
La Région Hauts de France a donc légalement soumis son projet de Sraddet à l’Autorité environnementale. La synthèse de l’avis est lourde de sens : S’agissant du « rapport sur les incidences environnementale (…) l’Ae recommande de reprendre intégralement pour le faire porter sur l’ensemble des enjeux environnementaux et l’ensemble des volets requis par l’article R. 122-20 du code de l’environnement. »
Et l’Autorité environnementale d’enfoncer le clou : « Le rapport sur les incidences environnementales, qui devrait être l’outil privilégié de la démarche d’évaluation environnementale, n’est pas en mesure d’apporter de valeur ajoutée au Sraddet, ni d’assurer une information minimale du public sur ses effets environnementaux et sur les mesures qui seraient nécessaires pour les éviter, les réduire ou les compenser. »
L’Ae motive sévèrement son avis : « la présentation des différentes composantes du Sraddet est effectuée sans ordre ni hiérarchisation et sans explicitation du raisonnement permettant d’articuler toutes ses dispositions et tous ses volets. Le résultat est un assemblage d’orientations dont la cohérence reste à démontrer »
Avant de conclure, lapidaire : « dans l’ensemble, l’environnement en général, et la plupart des domaines environnementaux du Sraddet sont largement absents de sa vision et de ses orientations générales. »
La balle est donc dans le camp du Conseil Régional Hauts de France. Comment va-t-il se saisir de cet avis pour infléchir sa politique environnementale régionale et donner au Schéma général une cohérence accrue ?
Si une autorité indépendante est désormais en capacité de dire aux décideurs politiques que les documents de politiques générales ne doivent plus être des fascicules marketing mais de véritables instruments de transformation environnementale… alors il y a peut être un petit espoir que les sommes colossales investies depuis des années par les pouvoirs publics finissent pas porter leurs fruits et infléchir durablement la courbe de nos émissions de CO2.
(*) Les Schémas Régionaux d’Aménagement, de Développement Durable et d’Egalité des Territoires (SRADDET) ont été instaurés par la loi d’août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (loi Notre) qui précise que « ce schéma fixe les objectifs de moyen et long termes sur le territoire de la région en matière d’équilibre et d’égalité des territoires, d’implantation des différentes infrastructures d’intérêt régional, de désenclavement des territoires ruraux, d’habitat, de gestion économe de l’espace, d’intermodalité et de développement des transports, de maîtrise et de valorisation de l’énergie, de lutte contre le changement climatique, de pollution de l’air, de protection et de restauration de la biodiversité, de prévention et de gestion des déchets». La loi impose donc le traitement des onze domaines cités ci-dessus. Ainsi le Sraddet est un document qui fixe des grandes priorités d’aménagement. La nature fortement stratégique, prospective et intégratrice des diverses politiques publiques abordées dans le Sraddet lui donne une importance majeure pour le territoire régional. Sa portée juridique se traduit par la prise en compte de ses objectifs par les Schémas de Cohérence Territoriale (SCoT), par les Plans Locaux d’Urbanisme (PLU), ainsi que par les Plans de Déplacements Urbains (PDU) et les Plans Climat-Air-Energie Territoriaux (PCAET) notamment.